J'ai fait une erreur

27/06/2016 18:03

    Tous les soirs, j'entends mon fils de 9 ans sangloter et se plaindre dans sa chambre, il dit qu'il a peur du noir, qu'il n'arrive pas à dormir.


    Veilleuse, lumière du couloir allumée, toutes ces « techniques » que j'employais pour tenter d'endormir mon fils étaient peu efficaces et se révélaient coûteuses sur les factures. Mon salaire minable ne me permettait pas de faire de folie comme ça, surtout pour une peur enfantine.
 

    Mon travail en laboratoire m'exaspérait, ainsi que mes collègues, ils ne voulaient rien tenter ! On avait tout ce qu'on voulait, et sous la main ! Mais la peur les empêchait d'avancer vers le progrès, avec moi, ils me disaient que je ne savais pas dans quoi je m'aventurais... Que d'idioties ! J'avais donc décidé de voler du matériel et de prendre mon sous-sol en salle d'expérience, ou même d'avancée scientifique !
 

    Je ne dormais plus de la nuit, mon fils pleurait et la lumière du couloir me dérangeait. Je décidais donc d'aller regarder la télévision pour me fatiguer un peu plus. Alors que j'étais affalé sur mon canapé, une idée incroyable m'apparut dans ma tête, telle une lumière, elle était fabuleuse ! Je sautais de mon canapé et courais vers le sous-sol ou j'avais récemment installé mon matériel. Une fois de plus, mon génie avait parlé ; pour vaincre ses peurs, il faut les connaître et les affronter, mon fils ne craindra plus sa peur infondée sur le noir !
 

    Quelques instants plus tard, j'avais anesthésié mon fils pour que je puisse le délivrer de son tourment. L'opération avait failli rater deux fois mais je l'ai soutenu, je lui ai parlé pendant toute cette longue nuit de douleur. Il semblait se débattre et paniquer dans son sommeil artificiel, il gémissait et transpirait énormément. Sur la fin de l'opération, je dû prendre l'initiative d'éteindre la lumière pour ne pas mettre en faillite mon travail et la vie de mon fils, seul point de lumière ; une lucarne encrassée par la poussière, laissant passer la faible lumière de l'aube.
 

    J'avais presque perdu mon fils dans cette opération,mon seul et unique fils, j'aurai dû avoir peur de le perdre... Mais non, c'est pour ça que mes abrutis de collègues n'avancent pas, ne progressent pas, ils ont trop peur de perdre, de perdre des vies. J'ai laissé mon fils se réveiller seul dans son lit, j'ai fermé la porte à clefs et coupé toute source de lumière pouvant le mettre en péril, il a besoin de repos pour vaincre sa peur.
 

    C'est vers la fin de la journée que je repris espoir, mon fils, mon nouveau fils pleura, il se plaignait du noir et de ne pas retrouver sa veilleuse. Je ne veux plus te faire du mal, tu vas vivre sans peur maintenant. Je me tenais à côté de la porte près à ouvrir à mon fils, la lumière éteinte, toujours.
 

    Je l'entendais se lever de son lit avec difficulté, il tâtait les parois des murs pour se diriger vers la porte. Je déverrouillais la porte pour le laisser sortir ; une première main m'apparut, la main non touchée, pour qu'il puisse éteindre les lumières des pièces voisines. Le reste du corps se dévoila enfin entièrement : son corps était intégralement teinté d'une couleur très sombre, je pouvais décider de lui laisser sa couleur originel mais je voulais lui faire comprendre qu'il allait devoir vivre avec son ancienne peur. J'avais, par contre, laissé sa main droite telle qu'elle était pour qu'il puisse éteindre les lumières des pièces voisines, comme je l'ai expliqué précédemment. Mais l'opération ne s'arrêtait pas à changer de couleur la quasi-totalité de son corps ; la partie sombre ne supportait pas la présence de luminosité sous peine d'infliger une douleur aiguë à la partie touchée. Il ne semblait pas être choqué de sa nouvelle apparence, sans doute encore un peu assommé par l'opération.
 

    Je m'étais habitué à vivre dans le noir quasi-total pour pouvoir l'aider à combattre sa peur, être présent. Il semblait presque habitué, il se débrouillait sans trop de mal à se diriger sans utiliser ses yeux et ses mains.
 

    Durant quelques jours suivants, son comportement changeait, il sursautait à des moments inappropriés et se retournait sans arrêt. Après ses changements comportementaux, il me faisait presque douté de lui-même, il s'approchait de moi en poussant de petits rugissements d'animaux et laissait glisser très lentement sa main contre les murs pour éteindre les lumières.
 

    Il ne dormait quasiment plus, il errait dans la maison sans but précis et venait me réveiller en enlevant ma couette d'un coup sec, de manière presque violente.
 

    Un jour, tard dans la soirée, en rentrant du travail, je retrouvais ma maison saccagée ; les meubles renversés, les cadres brisés, le papier peint arraché du mur et surtout, les ampoules écrasées au sol, comme piétinées...
 

    Je l'appelais, priant qu'il soit encore là, je le cherchais dans toutes les pièces, rien, il n'était plus là... Un bruit de verra cassé m'interpella, il se répétait de façon irrégulière, je me retournais et découvris mon... fils... Il semblait ravagé par la folie, il avait dans sa main mes éprouvettes qu'il avait pris dans mon laboratoire. Il les brisait frénétiquement sur le sol, il leva les yeux vers moi, ils étaient presque devenus blancs, il se redressa en prenant appui sur la table et s'approcha lentement de moi. Il s'arrêta à deux mètres de moi, je restais immobile, il me lança ensuite des éprouvettes encore remplies au visage qui éclatèrent pour relâcher leur contenu. Une vive douleur s'empara de moi, je me recroquevillais sur moi-même et pendant cet instant, je me sentais perdre connaissance.
 

    Je me réveillais dans mon laboratoire, je le reconnaissais à peine dans l'obscurité et dans l'état dans lequel il était, mais je ne prenais pas la peine de me lever. Le sol était froid, voire glacial, j'entendais la porte se refermer et un bruit de serrure tourner.
 

    J'ai peur de ce que j'ai fait, j'ai peur du progrès...

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